Les mots surlignés font l'objet d'une note
1Monsieur, les Consulz de ceste ville m’ayant tenu six ou sept
2jours en promesse de partir d’eure à heure pour aller vers
3vous, par lesquelz je fesoys estat vous mander ; ce que voyant leur
4longueur, je vous envoye par ce porteur expres, qu’ilz m’ont
5bailhé pour cest effect, c’est ung petit livre cosu et une
6piece de memoyre desguisé, le tout porté par ung
7messagier et postilhon ordinayre de monsieur de Montbrun,
8que le chastellein de Monsieur d’Ourche, mon cousin, print à
9Saou, et me le mena en ce lieu ; lequel je interogey et
10recogneus fort effrayé et ce contrariant en presque touttes
11les demandes que je luy faysois. Il me confessa d’avoyr esté
12en plusieur lieulx, et toutz suspectz, pour le commandement
13de son maistre, mais que ce n’estoyt que pour les adviser toutz
14de se contenir soubz l’obeyssance du roy et soubz ses ordonnances,
15et que les papiers qu’il portoyt estoyent de meschantz pappiers qu’il
16avoyt treuvés par les chemins. J’avoys belle envye, Monsieur,
17de le vous guarder ou de l’envoyer s’agrementer en chemin.
18Mais, ayant repceu lettres de vous comme ledict de Montbrun
19ne desiroyt que de ce contenir en reppos dans sa mayson
20soubz l’hobeyssance des edictz de sa Majesté, pour ne guaster
21aulcune chose et pencent que ce seroyt assés de vous envoyer l
22e pacquet et me tenir plus advisé, je laissay aller le susdit
23messagier, ne prevoyant ce que despuys c’est descouvert de
24leurs accoustumées traystresses et malleurreuses vollentés, dont
25ledict sieur d’Ourche, à ce qu’il m’escripvist hersoir bien tard,
26vous a au long adverty. Il y avoyt ja troys jours que estoyt
27venu à moy ung gentilhomme de bien bon lieu, de dix grandes
28lieues d’icy, me porter le mesme advys, lequel ne me pouvant
29persuader estre veritable, me contentey de tenir tant seullement
30les yeulx ung peu plus ouvers. Mais saichant et voyant une
31[v°] plus clayre descouverte de la resolution qu’ilz ont prinze
32generalle de s’eslever, Monsieur, j’ay desparty des commissions
33par tout ce ressort à ce matin pour adviser toutz les lieulx,
34premierement de se bien guarder et pour me mander
35les rosles, chascung endroyt soy, des hommes armés et aultres
36cappables à porter armes, avecques commendement de se tenir
37prestz pour, au premier mandement, marcher là où je leur
38ordonnerey ; et ce pendent jay mandé particullierement
39à quelques-ungs de mes amys me mener incontinent
40ung nombre de bons soldatz et bien cogneus, le tout
41jusques au nombre de soixante ou quatre vingtz tant seullement,
42que je logerey sus les bras des messieurs à catholizer et
43des plus suspectz nouveaulx catholisés, attendent l’ordre qu’il
44vous playra, Monsieur, me commender que je tiengne pour
45les fayre entretenir en plus grand nombre si jen ay besoing.
46Je vous promès par Dieu, Monsieur, que je ne scauroys choizir en
47tout ce lieu trente hommes de qui je puysse tirer service
48de soldatz, le nombre des cathollizés ou à catholizer est de
49plus de quatre centz, et presque toutz bons traystes, oultre
50le commerce des deux marchés pour sepmayne où, comme vous
51scavés, Monsieur, aborde ung grand nombre d’estrangiers de
52touttes conditions et relligions. Je vous supplie, Monsieur,
53avoyr pitié de moy pour me donner des gentz de guerre
54cellon que voyés et verrés s’en presenter l’occasion et moyen
55de les entretenir, et ce pendent, Monsieur, je vous prometz que
56je perdrey la vie dens la ville ou je la guarderey à sa
57majesté ; et à vous, du chasteau, je vous en respons. Je me
58suys aussy dispencé, Monsieur, de fayre à ce matin
59commandement à toutz les catholizés despuys la publication
60de la derniere ordonnance de sa majesté en ce lyeu pour la
61deffance des assemblées et presches generalles par tout
62[67] son royaullme, et de mesmes à toutz ceulx de la nouvelle
63prettendue relligion qui sont à cathollizer, habitantz et domicilliés
64de ceste ville de ne sortir, en quelle facon que ce soyt de
65jour ne de nuict de leurs maysons, et ce par l’espace de huict
66jours, à peyne de la hard, leur faysant entendre
67n’estre ceste presente ordonnance et commendement pour
68leur porter aulcung mal ny prejudice, mais pour les
69randre plus asseurés de leur personnes et biens soubz
70la protection, commendementz et main forte de sa Majesté ;
71et pour obvyer à des inconvenientz qui, à faulte de ce,
72en pourroyent advenir, me reservant, Monsieur, si je
73sentoys de quelques-ungs quelque choze de pys pour leurs
74accoustumées traystresses vollentés, les loger, comme m’en
75avés faict le commendement, ung peu plus discortoysement.
76Monsieur, je vous bayse tousjours très humblement la
77main, suppliant mon Dieu à mon accoustumée vous
78donner,
79Monsieur, en parfaicte sancté, heureuse, contente et longue
80vie. Du Crest, ce mecredy matin, VIIIe jour d’octobre 1572.
81Vostre plus humble et plus obeissent comme
82filz et serviteur
83Deurre Doncieu